"If you're ever sad, just remember
the world is 4.543 billion years old
and you somehow managed to exist
at the same time as David Bowie."
@jesuisdean
Depuis lundi, j'ai vu de multiples hommages à David Bowie. J'ai même présenté le mien par deux fois à la télévision, revenant sur la carrière musicale et l'importance du musicien anglais, décédé dimanche, deux jours après son 69ème anniversaire.
Depuis lundi, j'ai vu de multiples formules pour résumer cette carrière hors-norme. On avait tous notre Bowie. L'homme aux mille visages. L'homme qui venait d'ailleurs. L'homme qui avait mis en scène sa vie. Et composé la bande son de nos vies.
Depuis lundi, j'ai vu des dizaines de messages sur les réseaux sociaux, accompagnés de chansons. Ces chansons que je réécoute en boucle depuis 2 semaines, comme souvent quand je découvre le nouvel album d'un artiste que j'aime. Et dont je n'arrive pas à me défaire depuis.
Cette playlist n'a pas la prétention d'être exhaustive. Ni définitive. Ni même d'ajouter quoi que ce soit à tout ce qui a été dit et écrit depuis lundi. C'est juste une manière de me rappeler la place qu'a occupé la musique de Bowie dans ma vie. Et qu'elle occupera encore. Dix chansons, au fil de mes souvenirs, du début jusqu'à aujourd'hui.
Ashes To Ashes (1980)
Une chanson sortie l'année de ma naissance et avec laquelle je grandis, grâce à la bande FM, puis à la télévision. Si je ne devais retenir qu'un clip imprimé dans ma mémoire, ce serait celui-ci, son clown blanc, ses couleurs saturées, sa cellule capitonnée. Et son refrain aussi, lancinant, que j'ai décrypté une phrase après l'autre, durant toutes ces années. La formule mortuaire, le funk à la place de la poussière, Major Tom devenu un junkie. Une première rencontre, un premier coup de foudre, qui en annonce bien d'autres.
Space Oddity (1969)
Si Outside est mon premier album de Bowie, la compilation Changes est ma véritable entrée dans son univers. Pourtant, je n'aime que quelques titres, à peine la moitié du disque. La faute à une version CD amputée de Starman, Sound And Vision et Modern Love, trois chansons essentielles. Mais je ne le découvrirai que plus tard. En attendant, c'est Space Oddity qui me fascine le plus. Pour sa complexité, ses changements de rythmes et de registres, son compte à rebours avant son refrain poignant. Un OVNI parmi les chansons de mes 16 ans.
Rock'n'roll Suicide (1974)
J'ai 17 ans et je vais à Londres pour la première fois. J'arpente les marchés de Camden et fais provision de bootlegs, en CD et en K7, de mes groupes préférés: Blur, The Cure, Joy Division et David Bowie, bien sûr. Une édition pirate d'un concert à Santa Monica, période Ziggy Stardust. C'est ma première rencontre avec le personnage et bien sûr je tombe sous le charme. Le final, ce Rock'n'roll Suicide, devient mon hymne, celui que je passe quand il y a des soirées. Puis, bien plus tard, je tremblerai quand Nick Cave m'en fredonnera les premières phrases lors d'une interview. "Time takes a cigarette, puts it in your mouth..."
Heroes (1977)
Cette même année, nous roulons plusieurs heures pour rejoindre Frauenfeld avec des amis pour le festival Out In The Green. Ils veulent voir Prodigy et moi aussi, mais la présence de David Bowie sur l'affiche est mon plaisir égoïste. Je mentirai si je disais que le concert fut exceptionnel. Ou même qu'il m'a plu. Mais le premier quart d'heure me laisse renversé. Quicksand, The Jean Genie et entre deux Heroes. Au loin, sur la scène, Bowie est tel que je le fantasme: séduisant, triomphant, irradiant un magnétisme pop irrésistible. La suite, je l'oublierai, mais jamais le frisson durant ce Heroes inaugural.
I'm Deranged (1995)
C'est grâce à David Lynch que je redécouvre cette chanson, perdu en fin d'Outside et oubliée dans un tiroir de ma mémoire. A la fin de Lost Highway, la ligne jaune semble s'éteindre entre le bitume et la nuit, tandis que Bowie égrène sa folie sur des boucles électroniques. La même musique qui ouvre le film, ruban de Moëbius jusque dans les détails. La chanson est aussi flippante que le thriller de Lynch, le malaise point, les sonorités se font menaçantes. Il y a là quelque chose de glaçant, de dérangeant.
Sound And Vision (1977)
C'est sur une K7 que m'a fait une amie que je découvre enfin ce titre, exclu de la version CD de Changes. Il sera ma porte d'entrée dans Low, un peu plus tard, puis la trilogie berlinoise. Mais à ce moment-là, il n'est qu'un bijou de pop-modèle, moderne et dansante, chic et sophistiquée, mêlant sonorités avant-gardistes et grammaire classique, mieux, bien mieux, que Let's Dance. Et l'indice qu'il me reste encore beaucoup à découvrir chez Bowie, même des tubes, qui m'ont jusqu'ici échappés.
Warszawa (1977)
Découvrir Low comme on découvre un sommet. Un disque qui ne ressemble à aucun autre et qui correspond parfaitement à ce qu'on cherche à ce moment d'une vie. Malgré les années passées, malgré tout ceux qui s'y sont abreuvés, comprendre enfin l'extraordinaire intuition prophétique de Bowie. Et surtout se laisser prendre dans cette symphonie synthétique, hantée, hypnotique. Avant de se plonger dans les écrits et autres reconstitutions étranges des années berlinoises et de la façon dont travaillaient Bowie et Eno. Et regretter longtemps d'avoir manqué son concert montreusien.
Modern Love (1983)
Un film à nouveau, Mauvais sang de Carax vu sur le tard, pour découvrir une chanson de Bowie, le dernier tube oublié de mon Changes. Et ce plan-séquence indépassable, où le pantin Denis Lavant se désarticule au rythme de Modern Love, entre chorégraphie maladroite, mouvements étudiés et dérives cartoonesques. Les couleurs, le mouvement, l'élan sont aussi pop que la musique. Après Ashes to Ashes, c'est sans doute le plus beau clip de Bowie. Je me demande s'il le connaissait. S'il l'aimait.
Station To Station (1976)
Une réédition reçue en service presse comme la pièce manquante d'un puzzle. Le lien entre les "5 years" anglaises et la trilogie berlinoise. Et en bonus, un live colossal, aussi beau et puissant que celui de Santa Monica. Pièce maîtresse, ce titre inaugural se veut hypnotique et labyrinthique, sans renoncer ni à la mélodie, ni au groove. Dix minutes comme une expérience rare, une prouesse dont on ne revient pas.
Lazarus (2016)
Je crois que je me fiche du clip, crépusculaire. Comme des paroles, testamentaires. J'aime juste cette chanson. Une perle noire, qui clôt une face A d'exception, peut-être la meilleure depuis les années 70. Cette ligne de basse ascendance new-wave, ce saxophone qui hante l'arrière-plan, les discrets électro-chocs des guitares et cette voix poignante, magnifique, princière. Quand la mélodie s'éteint, c'est comme naturellement. Calmement.
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