"Le slow, c’est un très beau genre. Malheureusement,
la structure qui permettait de passer des slows a disparu
et du coup, les gens n’en font plus: il n’y a plus de débouchés."
Michel Houellebecq
Et sinon, c'est quoi le tube de l'été cette année? Le successeur des Lambada, Macarena et autre Chihuahua, ritournelles bêbêtes sponsorisées par des boissons à bulles, chaleur estivale oblige? Les entendre une fois, une seule, c'était l'assurance en prendre pour trois mois, du 21 juin au 22 septembre au moins. Parce qu'avec le réchauffement climatique, on n'est jamais à l'abri d'une prolongation automnale.
En bon journaliste culturel, je me suis plus d'une fois attelé à ce marronnier de l'été, déroulant l'histoire officielle ou officieuse dudit tube à travers les âges. Du A Wither Shade Of Pale de Procol Harum au Vent nous portera de Noir Désir, pour le meilleur, de La danse des canards de Marcel de Keukeleire à Gangnam Style de Psy, pour le pire. Jusqu'à rêver parfois de tubes alternatifs, selon l'année, selon l'été, selon l'humeur.
Moi aussi, j'en ai eu des tubes de l'été. Le Wind Of Change de Scorpions à la boum de la colo. L'Instant Street de dEUS sur une plage en Grèce. Les cerfs-volants de Benjamin Biolay le temps d'un voyage en Bretagne. Cette année, si le monde était juste, l'obsédant Frankie Sinatra de The Avalanches devrait être joué dans toutes les discothèques de plage, dans tous les supermarchés d'aires d'autoroute et en intro de toutes les compétitions olympiques. Mais le hic, c'est que le tube de l'été a fait son temps, on dirait. Du moins au premier degré.
Reste que cet été dans mon iPod, j'ai ma petite ritournelle estivale. Un album entier plutôt qu'une seule chanson. Et un album plutôt inattendu. Celui d'un groupe que je n'ai jamais vraiment aimé et que je n'écoutais plus depuis son premier disque et un concert au Romandie qui semble si loin déjà, il y a 8 ans, il y a un siècle, il y a une éternité, comme dirait l'autre, dans un autre tube de l'été. Mais je m'égare.
Cet été, donc, c'est Why Are You OK, le dernier album de Band Of Horses qui squatte mes platines, réelles ou virtuelles, à ma grande surprise. Un disque gentiment mainstream et joliment suranné, né d'une collaboraton pygmalion avec Jason Lytle de Grandaddy, ici producteur et surtout inspirateur. Ou comment façonner cette créature à peine imaginable: l'americana lo-fi de stade. Sur le papier, on n'y croit pas une seconde, mais dès la première écoute, je suis tombé dedans. Et j'y suis plutôt bien.
Passé un premier titre diptyque en forme de profession de foi - mi-pop éthérée (Dull Times), mi-rock héroïque (The Moon) - le groupe oublie la pose programmative et lâche la bride à ses compositions. S'en suit une bonne dizaine de chansons où folk et country se diluent à mesure dans une pop rétro, poignante et bricolée, qui évoque un croisement entre des Beach Boys tendance dream-pop (Country Teen) et les ballades acoustico-spatiales du Sophtware Slump de Grandaddy (Hag).
On plane, on rêve, on sifflote aussi. Les jambes gigotent sur le sautillant Solemn Oath, la nuque dodeline sur le plus rock Casual Party, les épaules dandinent sur le chaloupé Whatever, Wherever. Surtout, le poil se hérisse sur l'ultra-mélancolique Barrel House ou quand J Mascis vient donner de la voix pour un refrain sur In A Drawer. Et même si tout cela n'a rien de bien original, même si tout cela transpire le kitsch et, parfois aussi, la facilité, on se laisse prendre. C'est ça, aussi, le plaisir du tube de l'été. Un plaisir un peu coupable dans l'étuve de l'été.
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