"I think this is the beginning
of a beautiful friendship."
Humphrey Bogart
Il y a des amitiés qui résistent à tout. Au temps qui passe et transforme, aux chemins qui se séparent et ne se retrouvent pas toujours, et même à l'habitude, qui pourrait finir par lasser, fatalement. Dimanche dernier, c'était mon douzième concert de Tindersticks. Le troisième dans l'écrin du théâtre de l'Octogone. Et contre toute attente, la passion s'est avérée intacte. Ou mieux encore, elle m'a pris comme par surprise, comme un retour de flamme.
Pourtant, je n'étais qu'à moitié convaincu par The Waiting Room, la dernière livraison du groupe anglais. Quelques sommets - Hey Lucinda, duo inédit avec la regrettée Lhasa, We Are Dreamers, rencontre électrique avec Jenny Beth de Savages - quelques chansons honnêtes, quelques instrumentaux paresseux et cette impression au final d'un album bancal, fait de bric et de broc, d'intentions éparses, inégalement réalisées.
Et soudain, c'est comme si la scène rattrapait tout, offrant la cohérence à ces chansons en même temps qu'une excellence retrouvée, une plénitude fascinante. En formation réduite - 5 sur scène - Tindersticks resserre son propos, joue la carte de la nuance et de l'élégance, serre les rangs autour de son leader Stuart Staples et sa voix, grave et suave à souhaits, parfaite de retenue et de maîtrise, plus belle que jamais peut-être.
Surtout, le groupe retrouve une aisance qu'on ne lui connaissait plus pour slalomer dans un répertoire qui frise la perfection. Foin d'écarts ou de clins d'oeil ici, les Anglais sont maîtres de leurs chansons comme à leurs plus beaux jours, oubliant la gloire passée pour égrener les perles de leur seconde partie de carrière, le tout servi par une scénographie impeccable, variant les combinaisons (quintet, trio, duo) comme les plaisirs.
This Fire Of Autumn se déguste plus énergique qu'hier, We Are Dreamers fait souffler une tempête dans la salle, A Night So Still joue de teintes à la beauté désuète et pourtant troublante, The Waiting Room est magnifique de dénuement et d'émotion, The Other Side Of The World a des airs de classique oublié et la reprise du Johnny Guitar de Peggy Lee se mue en ballade crépusculaire ascendance Lee Hazlewood.
Pour la première fois depuis le retour du groupe en 2008, je savoure les chansons récentes sans regretter les trésors d'hier. Comme si le Tindersticks d'aujourd'hui se suffisait à lui-même, sans avoir à taquiner les fantômes du passé. Ou alors juste ses marottes habituelles. Sleepy Song et She's Gone, chansons entendues cent fois, à chaque concert ou presque, et dont le spleen princier n'a rien perdu ni de son charme brumeux, ni de son magnétisme hypnotique.
Deux chansons comme le vestige d'une amitié qui a résisté aux années. Et su se transformer au gré des rencontres, des séparations et des revirements. Comme j'ai mis du temps à apprécier pleinement certains albums du groupe - en tête Can Our Love - Tindersticks a longtemps cherché l'équilibre scénique dans cette seconde carrière. Et y est parvenu désormais, avec sa classe habituelle. Rehaussée d'un soupçon de grâce.
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