"You pay for this, but they give you that."
Neil Young
Avec une année de retard et deux annulations plus tard, Morrissey avait rendez-vous avec Lausanne hier soir. Cette ville où il habite fréquemment depuis 15 ans et qu'il aime, même si le cirque Knie y a ses habitudes (sic) et que la Fnac n'a qu'un ou deux de ses disques en stock (re-sic).
Morrissey, donc, pour inaugurer la nouvelle salle du Métropole, dont on n'aura pas vraiment vu la différence d'avant les travaux, WC exceptés. Le son, lui, laisse toujours autant à désirer, du moins lorsque les décibels s'envolent un peu et que l'électricité se veut reine. Dommage, même s'il n'est pas certain qu'une meilleure acoustique ait changé grand-chose, la faute à un backing-band plus enclin au pub-rock qu'à la brit-pop.
Pourtant, la setlist avait de quoi réjouir. Quelques uns des meilleurs singles solo du Moz, une poignée de grandes chansons des Smiths et pas mal de titres d'un dernier album pas si mal que ça. Le hic, c'est que le tout est (sur)joué sur un même mode, tendance crooner vintage vs gang électrique, optant le plus souvent pour un rock poussif et sans surprise, à l'image de la plupart des albums de Morrissey depuis Viva Hate.
Restent quelques vrais beaux moments tout de même. En tête, le bourdon électrique insurpassable de How Soon Is Now, le kitsch assumé d'Everyday Is Like Sunday, le rock'n'roll vintage de Suedhead ou le galop final The Queen Is Dead. De quoi faire un concert honnête au final. Mais pas suffisant pour dissiper certaines interrogations.
Cette impression, d'abord, d'avoir assisté à un concert à la moyenne d'âge et au pouvoir d'achat plus élevé qu'à l'habitude. Le côté vieille gloire, sans doute, mais le prix aussi, 76,90 CHF le billet quand même. De quoi expliquer le peu de moins de 30 ans - qui a dit moins de 40 ans? - croisés au concert. Et une salle à moitié pleine. Une de plus, après d'autres concerts du genre ces derniers mois, de Ride à Slowdive, en passant par les Pixies à Caribana.
Ce sentiment d'une scène rock qui se mord la queue, ensuite, cultivant sa rétromanie de façon toujours plus muséale, loin de l'étincelle d'antan. Désormais, on laisse sa bière au vestiaire, mais on dégaine son Smartphone à la moindre occasion, tel un touriste en goguette devant un tableau de maître. Et on accepte même sans broncher de troquer le bon vieux groupe de première partie contre une compilation de vidéos à la qualité digne de YouTube, façon histoire du rock subjective fleurant la naphtaline, de Mott The Hoople aux Ramones.
Ce malaise, enfin, à entendre les ricanements de certains devant le stand PETA ou à voir les grimaces d'autres face aux vidéos d'abattoirs durant Meat Is Murder. Comme s'il fallait prendre le militantisme anti-spéciste de Morrissey comme une posture de plus, au même titre que ses références cinématographiques ou son lancé de chemise en fin de concert. Qu'il semble loin le temps des Smiths et de la révolte.
Sauf que sur ce coup, Morrissey est peut-être moins responsable que ses fans. Hier soir, en tout cas, le moment le plus intense du concert restera pour moi l'interprétation impeccable de Meat Is Murder, la violence rampante de la chanson trouvant un contrepoint puissant avec la dureté des images projetées. Soudain, ce rock'n'roll figé retrouvait un peu de sa flamme d'antan, entre crispation et fascination, délivrant surtout un autre message que sa propre célébration.
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