"Rats and children follow me out of town. Come on kids..."
Radiohead
Il y a de ces soirées dont il faut être. Ne serait-ce que pour pouvoir dire qu'on y était. Il y avait un peu de ça dimanche, pour le concert de Sufjan Stevens à Genève. Sauf qu'on pouvait aussi n'être là que pour la musique. Et la grâce d'un disque d'exception, Carrie & Lowell, sorti ce printemps.
Un disque auquel le songwriter au touché rare rend parfaitement justice sur scène. Les premières 45 minutes du concert sont ainsi totalement dévolues à la quasi-totalité de l'album, interprété dans le désordre et avec quelques libertés, notamment dans les codas, vibrantes et puissantes.
Accompagné de quatre musiciens, Sufjan Stevens revisite son oeuvre sans la dénaturer, conservant la belle fragilité de l'ensemble, malgré l'augmentation des moyens et des effets. On pense à Bon Iver par instants, à Radiohead aussi, pour ce numéro d'équilibriste entre mélodies pop et textures sonores mixtes, organiques et électriques à la fois.
Une perfection qui n'aura malheureusement d'égal que la déception qui suit, lorsque le prodige Sufjan redevient prodigue. Comme enivré par sa puissance orchestrale, le chanteur s'égare dans les méandres de The Adge of ADZ, son Kid A personnel dans l'esprit, mal digéré dans la forme, entre space-rock lourdingue et délires new-age. Certains spectateurs s'enfuient, mais la majorité adhère à ce grand cirque coloré. Kitsch et excès font partie du personnage. Et de son charme, sans doute.
Plus dépouillé, le rappel renoue avec les sommets, le temps de détours miraculeux par le "50 States Project", entre Michigan et Illinois. L'ambiance renoue avec la beauté du début, plus folk dans l'esprit, toujours aussi organique. La ferveur vire alors à la communion et Sufjan Stevens offre enfin quelques mots à ce public dévoué, debout tandis que les lumières se rallument.
En un peu plus d'une heure et demi, l'Américain aura justifié son statut de figure culte ou du moins iconoclaste. A tel point que même sa chute entre deux instants de grâce, cette demi-heure poussive et excessive au milieu du set, participe de son aura, marque d'un musicien qui ne renie pas sa personnalité et ses aspérités, n'a peur ni du grand saut, ni du faux pas. C'est trop rare pour ne pas être salué. Et savouré.
Les commentaires récents